Summer: ça passe ou ça casse !

Cinq albums sont passés et Summer revient avec un sixième intitulé “French Manacure”. Depuis 2001, ce groupe parisien a su évoluer et perfectionner son univers musical bien particulier aux tons indie rock alternatifs. Alors oui, vous lirez qu’il ne faut pas se fier aux apparences, que la musique de Summer est inconfortable, c’est en tout cas ce qui ressort le plus souvent au sujet de leur nouvel LP. Summer c’est avant tout un groupe avec son identité musicale, qui ne fait pas de détail, et qui révèlent en nous des choses.

w-french-manucureC’est du moins ce qu’on constate avec le premier titre de cet album “Sombre Timide”. Un morceau sombre (le titre nous annonçait la couleur), répétitif, lourd, avec beaucoup de choses à entendre. L’écoute est effectivement assez complexe, ils nous bousculent. On est embarqué dans un monde brut qu’on connaît peu finalement. Les paroles sont d’une profondeur assez rarissime.

Cette impression se confirme avec “Market Core” le second titre. On retrouve les mêmes détails que dans la chanson précédente, détails qu’on retrouvera dans tout l’album à vrai dire. C’est fracassant, poignant, tortueux … oui on est à la limite de la torture, ça nous prend aux tripes, mais pourtant on continue notre écoute ! C’est très réaliste en fait ! La musique plus rock prend vite le dessus sur la voix.

Le groupe saura tout de même nous proposer des sonorités plus électro notamment dans le titre “Pénétration” qui reste tout de même bien oppressante. Dans ce style, il y a aussi « Erreur Faciale », elle plus lumineuse, plus chantante, plus mélodieuse. De la mélodie il y en aura également dans « Salon de Coiffeur » dans laquelle Summer nous délivrera une belle partie instrumentale qui est très expressive. L’effet écho sur la voix est extrêmement sympathique voire fou. Là encore c’est plus lumineux et chantant et les paroles sont assez belles.

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Et parce que cet LP de 8 titres dans lequel nous a vraiment intriguées, nous avons décidé d’en savoir plus sur Summer. Pour cela, ils ont répondu à toutes nos questions concernant leur univers musical atypique.

Bonjour, tout d’abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Jean : Deux mecs et une fille qui abordent un quotidien prosaïque et basique. Nos chansons parlent de nous-mêmes et de rien d’autre : la rue, l’alcool, la dope, les déboires sentimentaux, la baise, les idées noires…

Pourquoi avoir choisi le nom Summer ?
Jean : Louis-Marie et moi-même avions tendrement craqué sur Summer Phoenix (à l’époque où Arnaud Desplechin, pour « Esther Kahn », avait révélé son énorme potentiel d’actrice). Par la suite, les chroniqueurs ont souligné le contraste entre le soi-disant bonheur ressenti durant l’été (la pire saison qui soit) et une musique assez torturée ; de même qu’un jeu de mots morbide (il ou elle se meurt).

Votre LP « French Manucure » dévoile un univers indie-rock alternatif aux multiples facettes. Alors, quelles sont vos influences ?
Jean : Aucune idée. Généralement, les chroniqueurs citent Taxi Girl, The Fall ou Diabologum ; ce qui est très flatteur mais, à mon sens, totalement faux : ce sont des groupes que nous aimons, qui ont bercé notre enfance et adolescence, mais je ne pense pas que l’apport de ces formations déteigne vraiment sur Summer. Et puis, Michel Cloup ayant produit notre premier album (« RDV Drague »), la comparaison avec Diabologum semblait naturelle… Non, notre principale influence ne dépasse pas le cadre de nos frustrations, de nos attentes, de nos déboires, de notre besoin d’exprimer des états d’âme… Il n’y a rien de théorique dans Summer. Nous ne fonctionnons qu’à l’instinct, au lâcher-prise, avec l’envie de sonner de la plus honnête et sincère des façons (de ce point de vue-là, admettons que les Smiths, par leur don de soi, ne représentent pas tant, chez nous, une influence qu’une excellente façon de pratiquer la psychanalyse en mots et en musique).

D’ailleurs, comment se passe la composition dans votre groupe ?
Jean : Vaste question qui nécessiterait un discours technique n’intéressant personne. Tout dépend des albums et de nos humeurs, de nos envies comme de notre besoin naturel à sans cesse remettre en question le processus d’écriture et d’enregistrement. Chaque album de Summer est une réaction au précédent. « RDV Drague » avait été longuement muri durant l’étape de l’écriture, avant de très vite s’enregistrer et se mixer en compagnie de Triboulet et de Michel Cloup, à Toulouse, au Studio de la Trappe. Inversement, avec « Kimy EP », nous nous étions embarqués dans un travail de mixage étalé sur plus d’une année, pour un résultat finalement trop produit, trop éloigné de nos intentions originelles. D’où « French Manucure » : un disque volontairement enregistré et mixé très vite, pour conserver la spontanéité originelle et revenir à certains fondamentaux rock. Avec logique, le prochain album de Summer se confectionne dans la durée, très lentement et sans pression.

Que voulez-vous transmettre à travers vos chansons ? Qu’est-ce qui vous inspire ?
Jean : Il n’y a rien à transmettre. Les chansons de Summer étant intimistes, l’auditeur est libre ou pas de s’y retrouver, de comprendre ou de rejeter, d’aimer ou de détester. Il existe tellement de faux-culs dans le rock français qu’il est préférable de composer des chansons égoïstement, sans chercher à volontairement plaire, sans vouloir flatter l’auditeur. Et si cela inspire une connivence ou une compréhension chez ce dernier, très bien. Sinon, on s’en branle.

Donc effectivement, votre album « French Manucure » vient de sortir. Il fait suite à « RDV Drague » (2010) et « Kimy EP » (2011). Ce n’est que la suite logique d’une production par an, ou bien cela marque une étape importante pour vous ?
Jean : Chaque album est une étape importante car chaque album vient du cœur (que le résultat soit bon ou pas, qu’importe). Après, « RDV Drague » a été enregistré en 2007 mais n’est officiellement paru qu’en 2010 (pour des histoires de fric et de bureaucratie). Du coup, finalement, nous n’avons sorti qu’un EP en 2011 et un deuxième album en 2013. Et si nous travaillons actuellement sur un prochain disque, c’est banalement car nous ressentons la nécessité et le besoin de composer… Un problème se pose néanmoins à l’égard des artistes autoproduits (dont Summer fait parti) : il faut constamment être prolifique sous peine de rejoindre la cohorte des oubliés (et un album par année demande beaucoup d’argent lorsque les subventions sont épuisées).

Pouvez-vous nous parler de la réalisation / production de cet album ?
Jean : Louis-Marie a composé les titres, puis Marion a ajouté des sons, puis j’ai cherché des textes appropriés… Je pourrais développer dans le détail mais ce serait très chiant à lire pour vos lecteurs…

Nous en avons parlé ensemble, les réactions face à votre musique sont assez radicales : « on aime ou on déteste, pas de juste milieu », c’est vous qui le dites. Alors racontez-nous quel est le pire et le meilleur commentaire que vous ayez eu à propos de votre musique ?
Jean : En fait, nous sommes plutôt chanceux car les chroniqueurs ayant défendu « RDV Drague » ne nous ont jamais lâchés. « French Manucure » a recueilli, par exemple, un bon nombre de papiers (bien plus que d’habitude). Ceux qui ne nous aiment pas n’en parlent pas. Pourquoi ? Car il existe une déontologie dans le petit monde du webzine et de la presse écrite généraliste : ne jamais casser un groupe autoproduit car son statut est fragile. C’est une règle. Du coup, fatalement, toutes les chroniques Summer sont globalement positives (même si, personnellement, je me fous royalement de recevoir des avis acerbes ou destroy – du moment que les attaques sont bien écrites et argumentées).

Quels sont les événements importants à ne pas manquer pour les prochains mois vous concernant ?
Jean : Nous enregistrons un disque. Rien de plus à dire…

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Jean : Que les labels se lâchent un peu et cherchent la prise de risque. Il existe en effet trop de bons groupes ou d’artistes autoproduits qui végètent actuellement dans un anonymat injustifié. Des noms ? Praha, Archet, REG, Brou de Noix et j’en passe…

Une petite anecdote pour finir ?
Jean : Lors de notre deuxième ou troisième concert (vers 2004, par-là), une rumeur prétendait que nous allions nous ouvrir les veines sur scène. Aussi révélateur qu’hilarant.

On vous laisse le mot de la fin… ?
Jean : « I want to be like you if i can / I don’t want to give a damn ».

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